L’expression “humour sexiste” ne devrait même pas exister, tant elle est oxymorique. Si l’humour a pour objectif d’être drôle (en vous remerciant), le sexisme, lui, ne l’est pas. Du tout. Jamais. "L'humour" sexiste est aussi antinomique qu’un cor au pied est agréable.
Pourtant, selon le baromètre 2021 du sexisme au travail de l’AFMD,
8 collaboratrices sur 10 affirment avoir déjà entendu une blague sexiste sur leur lieu de travail
et les 3/4 des hommes s’en disent témoins.
En cette journée du 8 mars qui va avoir une sale tendance à passer de “Journée Internationale des droits des femmes” à “Journée de la femme” voire à “Hey Sylvie, vu que c’est ta journée, on te laisse débarrasser les tasses à café après la réunion ?” (ou pire encore), on s’est dit que vous alliez avoir besoin d’un peu de soutien pour ne pas craquer.
Car aujourd’hui, chères lectrices, peut-être encore plus que d’habitude (quelle chance 😱), vous allez avoir droit à ces petites blagues qui n’en sont pas / qui n’ont rien de drôle / qui n’ont rien d’anecdotique*.
Vous savez, de celles qui rendent non pas le monde plus léger, comme devrait le faire l’humour, mais provoquent exactement l’effet inverse.
*Que celle qui n’a jamais entendu “Ben rigole! T’as tes règles, ou quoi ?” nous jette le premier Tampax.
Autrement appelée "Journée de la femme" donc, hein.
Ce n’est pas toujours tâche facile car il s’appuie généralement sur des stéréotypes et des préjugés bien ancrés. Il est d’autant moins aisé à repérer que “le sexisme est tellement banalisé qu’il arrive même aux femmes de rire de blagues sexistes” note Danielle Bousquet, ex-présidente du Haut Commissariat aux Égalités.
Dans une “blague” sexiste, il peut être difficile de distinguer ce qui relève effectivement de l’humour de ce qui est du dénigrement. Mais la vérité, c’est que ces “blagues" utilisent l’humour comme un prétexte, bien plus qu’elles n’en mobilisent les ressorts. Il est moins question de rigoler tous ensemble que d’instrumentaliser le rire pour tenter de faire passer des considérations nauséabondes. Une sorte de ripolinage tout à fait dommageable à l’humour (et à l’ambiance générale).
1/ “L’humour” sexiste consiste à rire sans ou contre les femmes. Et pas avec. Le vrai humour inclut, le sexisme exclut.
2/ Il réduit les femmes à leur corps, leurs attributs ou aux fonctions sexuelles. On ne parle plus de la personne, mais de ses seins / fesses / jambes / bouche / vêtements…
3/ Il disqualifie et s’apparente à du dénigrement : “Les femmes sont hystériques / se crêpent le chignon* / sont jalouses les unes des autres / sont tellement bêtes qu’on se demande comment elles ont eu ce poste…”
* mais comment diable font les femmes à cheveux courts ?
Quand, en tant que femme, objet direct ou indirect de ladite “boutade”, on se sent infériorisée, destabilisée, marginalisée ou délégitimée, si on ressent ce petit sentiment dégueulasse et diffus de salissure… C’est qu’on y est, les deux pieds dans le marigot de l’humour sexiste.
Car oui, le sexisme ordinaire s’immisce dans les plus petits recoins de la société au point de se rendre quasi invisible et plus encore quand il se cache derrière “de l’humour”.
Voici un signe qui ne trompe pas.
Si à un “T’es vraiment lourd, Jean-Pierre !”, vous obtenez pour toute réponse un : “Tu sais ce que c’est ton problème, Corinne ? A part, être mal baisée, je veux dire. C’est que t’as pas d’humour.*”
Voilà CQFD.
L’indicateur “humour” sexiste clignote dans tout l’open-space (ou l’usine, ou la cuisine, ou… bref dans l’endroit où vous travaillez, quoi).
* Cousin du “Ouin ouin, on peut plus rien dire !”.
Ça permet de se déresponsabiliser, de ne pas remettre en question les fondements misogynes de sa blague et puis surtout, ça évite de réfléchir aux conséquences d’une saillie sexiste (qu’on en soit l’émetteur ou qu’on l’ait approuvée en ricanant).
Pourtant, elles ne sont pas des moindres.
Dévalorisation, auto-censure, baisse de l'estime de soi, sont autant de conséquences psychologiques possibles sur les femmes. Travailler dans un environnement “humoristico-toxique” peut conduire à des arrêts maladie, des burn-out, des démissions.
Car comme toutes les “micro-agressions”, son effet délétère est cumulatif. 🤢
Mais le pire c’est qu’en prenant la contrevenante pour cible cette disqualification ne touche pas uniquement sa victime, mais toutes les femmes de l’entreprise (fonctionne également tout pareil avec les blagues racistes, homophobes et ou affiliées). Ainsi, disqualifier peut également faire office de “rappel à l’ordre”.
"De toute façon, on peut plus rien dire !"
Conseil n°1 : messieurs, soyez nos alliés !
Si vous êtes témoins d’une tentative humoristique à caractère sexiste et que (on l’espère) vous n’êtes pas d’accord. RÉAGISSEZ ! Ne riez pas et signifiez votre désapprobation. Car allez savoir pourquoi, les hommes écoutent plus volontiers les hommes 🙄
Conseil n°2 : essayez de réagir rapidement.
Il est plus facile de répliquer / s’insurger suite à UNE “blague” qu’après des mois de saillies sexistes en tous genres.
Comme vous êtes une femme, donc de nature hystérique (eh oui, il serait bon de ne pas oublier ce genre de détail), faites connaître votre désapprobation calmement et de façon concise. Ne passez pas une demi-heure à expliquer pourquoi c’est sexiste de dire ça sinon vous donnerez l’impression de vous justifier ou de vous excuser (le comble !).
Conseil n°3 : transformez-vous en exégète.
“Ah mince, ça a l’air super drôle mais je ne l’ai pas comprise. Tu pourrais me l’expliquer ?”. Vous constaterez à quel point il est humiliant et très contre-productif de tenter de faire comprendre ses blagues. Encore plus si prenez un air candide et naïf (n’oubliez pas, bis, que comme vous êtes une femme, vous êtes dotée d’un cerveau beaucoup moins performant. Ne pas tout comprendre est votre logiciel de base).
Cerise sur le pompon, faire semblant de ne pas comprendre et inviter la personne à développer son idée cachée derrière sa “blague” pourrait lui permettre de se rendre compte du caractère inapproprié de ses propos.
Conseil n°3 bis : un dérivé du précédent, testez l’effet miroir (grossissant).
Sur un ton neutre naturel, très premier degré et suffisamment fort pour être capter l’attention du plus grand nombre, lâchez un : “Pardon ! J’ai pas entendu. Tu peux répéter, STP Jean-Pierre ?”. Marche aussi pour faire cesser le rire en meute : “Ah mince ! Ça avait l’air super rigolo ! Théo, tu peux me répéter la blague de Jean-Pierre, STP, je ne l’ai pas entendue ?”.
Moment de gêne assuré (et César de la meilleure actrice pour vous).
Conseil n°4 : faites un mail au “blagueur”.
D’une part, ça permet de réagir à froid, de choisir ses mots, de faire simple et concis, une fois l’émotion retombée. D’autre part, un mail a le mérite de laisser une trace… au cas où le relou sexiste virerait au récidiviste… Car le harcèlement aime beaucoup se cacher derrière ce que certains qualifient “d’humour”.
Depuis le 31 mars 2022, la notion de harcèlement sexuel est étendue aux “propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste répétés” (article L. 1153-1 du code du travail). “Cela comprend donc les mauvaises blagues qui font référence à votre identité de genre, par exemple dire à une salariée qu’est-ce qui t’arrive, tu as tes règles ?”, explique Gilles Riou, psychologue du travail.
La loi stipule que le harcèlement sexuel est également constitué “lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée”. “C’est la traduction du phénomène de meute qui a déjà une réalité juridique dans le cyberharcèlement. Le législateur a été attentif à la réalité, en reconnaissant que le harcèlement au travail est un phénomène intrinsèquement collectif.” observe Gilles Riou.
Avoir ses règles, c’est une chose. Les connaître et les appliquer, c’est mieux…
Allez, on vous laisse, faut qu’on se fasse belles pour la “journée de la femme”.
On doit aussi finir la vaisselle et faire un brin de ménage avant de préparer le repas.
Ah ! Mais avant de vous quitter, entre deux lessives, on a écrit un super bouquin…
et on propose de vous en faire gagner un exemplaire
parce qu’on est vraiment sympas (pour des femmes, on veut dire).
Enregistrez notre adresse dans votre répertoire,
comme ça on ne disparaît pas dans vos spams 🤓👻
Pour aller plus loin / sources :